L’anxiété, une compétence cantonale
Vous êtes angoissé par les changements climatiques. Vous êtes angoissé par la pollution des sols, des cours d’eau et de l’atmosphère. Vous êtes angoissé par la fin du monde (qui revient tous les dix ou vingt ans), par le risque d’un conflit nucléaire, par la guerre en Ukraine et à Gaza (mais pas par les autres conflits qui font moins la une des médias). Vous êtes angoissé par votre santé, par le Covid, par la grippe aviaire. Par le trafic routier et aérien. Et vous parcourez fébrilement les journaux, les programmes de télévision, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux pour y découvrir les conseils prodigués par d’autres gens tout aussi angoissés que vous.
Le coup de grâce vous est porté par votre journal quotidien (qui fut autrefois vaudois) où l’on vous pose cette question: «Que faire si la politique de Donald Trump vous angoisse?»
Car vous qui estimez normal de prélever des taxes sur l’essence, sur les billets d’avion, sur les cigarettes et sur les aliments non bio, vous vous réveillez la nuit en transpirant, la gorge serrée, en songeant aux droits de douane imposés par les Etats-Unis…
Les instituts de sondage, nous dit-on, ne s’intéressent pas encore suffisamment à la «politico-anxiété», expression désignant l’inquiétude liée au contexte politique. Aucun vaccin ne semble exister contre cette nouvelle maladie et, à notre connaissance, aucun parlementaire fédéral n’est encore intervenu pour exiger que ce phénomène soit «davantage pris au sérieux par le monde politique». (Curieusement, personne ne se déclare angoissé face à l’expansion délirante de la législation fédérale.)
Certains psychologues recommandent de diminuer la consommation des médias. On devrait davantage écouter les psychologues!
Et à l’heure où chaque discours politique, chaque réclame commerciale, chaque commérage de quartier s’applique à évoquer, sur un ton hyper-concerné, les «circuits courts» et le «commerce local» (parce qu’on est angoissé face à la mondialisation et aux transports internationaux), il ne serait peut-être pas inutile de redécouvrir des angoisses «de chez nous», en se souvenant qu’avant les frasques du gouvernement américain, la politique et la fiscalité vaudoises, elles aussi, recèlent quelques solides motifs d’anxiété.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Un tour en Suisse centrale – Editorial, Félicien Monnier
- L’arbre, nouveau sujet de dérapage administratif – Jean-Hugues Busslinger
- Parler c’est hériter – Quentin Monnerat
- Une vie au service du pays – Jean-Baptiste Bless
- Le Conseil d’Etat et le nucléaire – Jean-François Cavin
- Les portes de l’enfer – Olivier Delacrétaz
- Mendier les poches pleines – Cédric Cossy
- L’impunité des assassins – Jean-François Cavin
- Désarroi – Jacques Perrin
- Bach sublimé – Frédéric Monnier