Bach sublimé
21 avril, lundi de Pâques, peu après 19h00. La scène de l’Opéra de Lausanne et les auditeurs sont plongés dans le noir. Une voix de soliste entonne une mélodie d’un compositeur anonyme du début du XVIIe siècle, O Herzeleid O Traurigkeit, puis la scène s’éclaire un peu, et le chœur a cappella reprend la mélopée. A peine cette pièce terminée, l’orchestre lance avec véhémence le chœur introductif de la Passion selon saint Jean de J.-S. Bach. Une entrée en matière saisissante!
Ce soir-là, ce n’est pas à un concert que nous assistions, mais, osons-le mot, à une célébration. Alors pourquoi, objectera-t-on, avoir donné cette oeuvre sur la scène de l’Opéra de Lausanne plutôt que dans la cathédrale ou l’église Saint-François, lieux plus en adéquation avec l’expression de cette musique? Il n’est pas inutile de rappeler que les Passions de Bach sont des drames sacrés, or qui dit drame dit théâtre.
Tout a concouru à faire de cette soirée un moment de pure émotion. D’abord les interprètes: l’ensemble vocal et instrumental Pygmalion, sous la direction inspirée de son chef Raphaël Pichon (une des meilleures formations baroques actuelles, et cela se sait, puisque cet événement affichait complet depuis plusieurs jours) et des chanteurs solistes, tous excellents, se déplaçant sur la scène au gré de leurs diverses interventions, quelques-uns chantant par cœur leur air. Ensuite, de subtils jeux d’éclairage soulignaient l’aspect théâtral, dont le point culminant fut ce rai de lumière projeté, après la mort de Jésus, sur le petit cube vide où il était assis auparavant, et qui n’était pas sans rappeler l’eau-forte Les trois Croix de Rembrandt, où une étrange lumière blanche tombe verticalement sur la scène obscure du Golgotha1. Ajoutons qu’à aucun moment cette mise en scène n’a occulté ou brouillé la portée spirituelle de cette Passion.
On ne peut qu’être reconnaissant à la direction de l’Opéra de Lausanne d’avoir inclus ce «concert» dans sa saison 2024-2025.
Notes:
- Eau-forte qui a par ailleurs inspiré le compositeur Frank Martin pour son oratorio Golgotha, autre chef-d’œuvre de musique sacrée!
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Un tour en Suisse centrale – Editorial, Félicien Monnier
- L’arbre, nouveau sujet de dérapage administratif – Jean-Hugues Busslinger
- Parler c’est hériter – Quentin Monnerat
- Une vie au service du pays – Jean-Baptiste Bless
- Le Conseil d’Etat et le nucléaire – Jean-François Cavin
- Les portes de l’enfer – Olivier Delacrétaz
- Mendier les poches pleines – Cédric Cossy
- L’impunité des assassins – Jean-François Cavin
- Désarroi – Jacques Perrin
- L’anxiété, une compétence cantonale – Le Coin du Ronchon