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Mendier les poches pleines

Cédric Cossy
La Nation n° 2278 2 mai 2025

Une fois lus la feuille de la FPV1, la dernière Nation et les commentaires du professeur Nils Soguel dans 24 heures2, on se demande qu’ajouter d’original au sujet des comptes 2024 de l’Etat de Vaud.

Pour reprendre l’essentiel de ces publications, le déficit de 369 millions annoncé le 10 avril par le Conseil d’Etat est la conséquence d’une hausse incontrôlée des charges (+6,2% en un an), que ne compensent pas des revenus (impôts y compris) nettement meilleurs que ceux des comptes 2023 ou prévus au budget 2024. Sans mesure énergique pour limiter la hausse des charges à 1% l’an, les chiffres resteront rouges, avec ou sans l’approbation de l’initiative «Baisse d’impôts pour tous».

 

Comparaison au budget

Dans l’attente des états financiers complets pour 2024, il faut triturer les documents annexes3 aux présentations des comptes et budgets pour analyser le dérapage.

Les dépenses dépassent le budget de plus d’un demi-milliard (4,9%). Les charges de personnel dépassent très légèrement un budget prévoyant une hausse pourtant très confortable de 5%. Un dépassement de 83 millions (11%) est enregistré pour les achats de biens et services, symptôme d’une administration peu soucieuse des contraintes budgétaires.

Avec 436 millions en sus du budget, la palme des dépassements revient aux charges de transferts. Ce poste couvre le financement de la prévoyance sociale et de la santé, qui ont englouti 46% des dépenses totales du Canton. Les dépassements budgétaires dans ces deux secteurs atteignent 13%, respectivement 5%.

Les 125 millions de versement de la BNS inscrits au budget manquent à l’appel. Une réserve de 250 millions avait été constituée lors du bouclement 2022 pour anticiper la réduction prévisible de cette contribution. On ne trouve cependant aucune mention de l’utilisation de de cette réserve, ni en 2023, ni en 2024.

Le remboursement des 200 millons d’emprunt d’Etat (à terme en 2024) affecte le bilan, mais est neutre sur le résultat et le déficit. Aucun nouvel emprunt (100 millions au budget) n’a été émis, ce qui fait sens au vu des quelque 3,5 milliards de liquidités disponibles. Un remboursement anticipé de la dette résiduaire de 500 millions (emprunt échéant en 2033) serait même souhaitable pour économiser 10 millions d’intérêts annuels.

Alors que le budget prévoyait 599 millions d’investissements bruts, ceux-ci ont à peine dépassé les 400 millions. Cette incapacité répétée de l’Etat à concrétiser les investissements prévus interroge sur le développement des infrastructures nécessaires à sa croissance, mais aussi sur la pertinence de 1,25 milliard de préfinancements inscrits au bilan 2023: à ce rythme, il semble possible de couvrir trois ans d’investissements sans passer de nouvelles provisions.

Avec une capitalisation sur investissements inférieure au budget, c’est une baisse des amortissements sur le patrimoine administratif qui serait atttendue. Comment expliquer le dépassement de 23 millions de ces derniers par rapport au budget?

 

Mesures d’assainissement

La Constitution vaudoise impose des mesures d’assainissement à hauteur du déficit hors amortissements sur immobilisations. Il manque 94 millions pour atteindre ce «petit équilibre», soit à peu de choses près le montant du dépassement sur les achats de biens et services. Un rappel de l’administation à une stricte discipline budgétaire devrait donc suffire.

Au lieu de cela, l’exécutif vaudois propose un plan d’économies immédiates de 79 millions (25 millions restent à trouver en 2026) basé pour moitié (38 millions) sur des réductions de subventions, poussant ainsi inélégamment le déficit de l’Etat vers des entreprises et des organisations privées. 6 millions de travaux d’entretien seront reportés et 6 millions seront économisés sur les charges de personnel. La réduction de quelque 25 millions imposée sur les achats de biens et services est donc minable comparée au dépassement de 83 millions enregistré en 2024.

Ces mesures n’attaquent toutefois pas le problème de fond: les dépenses de prévoyance sociale au budget 2025 sont de 200 millions inférieures aux dépenses réelles 2024. Pronostiquant un dépassement supérieur au demi milliard pour cet unique poste en 2025, nous considérons que le Conseil d’Etat se moque des Vaudois en n’imposant que 24 millions d’assainissement d’urgence au Département de la santé et de l’action sociale.

 

Conclusion

Le Canton paie aujourd’hui les arrangements radicalo-socialistes des belles années passées. Les dispositifs d’aide sociale instaurés durant cette période génèrent une hausse mécanique des dépenses de l’Etat, hausse s’accélérant lors de mauvaise conjoncture (faible croissance, hausse des primes maladies…). Les dépenses de prévoyance sociale ont ainsi plus que doublé en vingt ans, avec 15% de hausse pour le seul exercice 2024. C’est bien supérieur à la hausse combinée de l’inflation et de la population vaudoise.

Cette redistribution étatique des richesses, censée améliorer le pouvoir d’achat des plus pauvres, fonctionnait tant que lesdites richesses augmentaient, ce qui n’est plus forcément le cas aujoud’hui. En recommandant le rejet de l’initiative «Baisse d’impôts pour tous» dans ses commentaires sur les comptes, le Conseil d’Etat propose de poursuivre ce socialisme d’Etat.

Nous plaidons plutôt pour le gel de la hausse des aides sociales ou, a maxima, pour une hausse proportionnée à celle de la population. Cette approche nous semble préférable à l’exode des hauts revenus et l’assommoir fiscal pour la classe moyenne, avec baisse collatérale de son pouvoir d’achat. Ceci ne se fera pas sans modification législative mais, avec environ 4,5 milliards de capital propre au bilan, le Canton a un peu de temps pour trouver un compromis fiscalement et socialement supportable.

Notes:

1   Actualités vaudoises de la Fédération patronale vaudoise, 17 avril 2024.

2   24 heures, 22 avril 2025.

3   https://www.vd.ch/etat-droit-finances/ finances-publiques

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