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Racisme à Payerne?

Colin Schmutz
La Nation n° 2275 21 mars 2025

Les fêtes de carnaval ont longtemps irrité les bigots. Les puristes de la Réforme et de la Contre-Réforme n’y voyaient que scandales et superstitions. Au XIXe siècle, ce sont les apôtres de la Raison et du Progrès qui tentèrent de mettre fin à ces pratiques qu’ils jugeaient archaïques.

De nos jours, les dragons de vertus sévissent encore. Reconvertis aux standards moraux actuels, ils sont à l’affût du moindre affront contre la vulgate égalitaire.

Ainsi, en transgressant impudemment l’un des dogmes les plus sacrés de notre siècle, à savoir l’antiracisme, les indociles «barbouilleurs» des Brandons de Payerne ne devaient s’attendre à aucun ménagement de la part du bas clergé progressiste. Et de fait, celui-ci n’a pas tardé à condamner le blasphème à coup d’éditoriaux inquisiteurs dans la presse, de pavés indignés sur les réseaux sociaux et d’interventions pleines de gravité à la tribune du Grand Conseil.

La question n’est pourtant pas de savoir si les graffitis satiriques commis cette sombre nuit sont drôles ou pas. Leur légitimité ne se mesure pas à leur potentiel humoristique. En l’occurrence, si ces inscriptions ont provoqué une telle poussée d’urticaire chez les docteurs de la loi, c’est qu’elles ont su honorer la tradition carnavalesque de renversement temporaire des normes. Par la même occasion, elles ont le mérite de lever le voile sur les tabous de notre époque. A l’heure on l’on croyait les notions de bien et de mal surannées, on serait presque rassuré par ce sursaut moral chez nos tribuns.

En tolérant la transgression trois jours dans l’année, on parvient à la contenir le reste du temps. Traditionnellement, le carnaval servait ainsi d’exutoire avant les privations du carême. Désormais, il précède les mortifications mentales de la Semaine d’actions contre le racisme (17 au 21 mars). L’idéologie ne tolérera-t-elle aucun écart?

Non. Surtout pas de la part des Payernois, et pour cause: derrière les réactions outrées des rhéteurs, il y a l’idée que chaque Cochon-Rouge1 porte en lui une part de responsabilité pour un meurtre antisémite commis il y a huitante-trois ans. Des années de culpabilisation médiatique, un roman à succès et son adaptation cinématographique n’auront visiblement pas suffi à instiller le Devoir de mémoire à ces «bougons» (sic) du nord. Ils avaient pourtant une dernière occasion de se racheter par le sacrifice de leur municipal, et potentiel futur syndic, impliqué dans la sélection des textes incriminés. Mais ni le parti de l’intéressé ni l’opposition socialiste n’ont daigné payer le tribut.

Notes:

1      Payernois pour les intimes.

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